L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. Cette phrase de Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de la communauté européenne, reste d’une brûlante actualité alors qu’un virus frappe le monde depuis un an.
Dans quelques temps, à l’heure du bilan, l’Union européenne sera-t-elle plus forte qu’elle ne l’était avant la pandémie ? Aura-t-elle su tirer les enseignements nécessaires pour être plus efficace demain ? Les derniers rebondissements de la campagne vaccinale incitent à la prudence.
La décision d’une dizaine de pays de suspendre le recours aux doses d’AstraZeneca laisse songeur. Aucun motif juridique et encore moins médical ne semble expliquer cette interruption, prise subitement sur la basse d’effets secondaires constatés chez certaines personnes : une trentaine sur cinq millions de receveurs. Cette proportion ne saurait justifier l’affolement, d’autant que rien ne prouve qu’il y ait un rapport de cause à effet entre la vaccination et les troubles signalés.
Il semblerait que le principe de précaution, poussé à l’excès – ainsi que les risques pénaux encourus – soit la seule justification de cette mesure qui a fait boule de neige. La France a emboîté le pas à l’Allemagne, laquelle a imité plusieurs pays nordiques…
Cet épisode intervient après celui des masques où, à l’inverse, la solidarité n’avait pas joué. Certes, la santé ne figure pas dans les compétences premières de l’Union européenne. Mais, en raison de cette crise sanitaire, le sujet doit désormais être pris à bras le corps. Ce qui a commencé à être fait.
La volonté affichée de se regrouper pour l’achat des vaccins, afin d’obtenir de meilleures conditions tarifaires, marquait un progrès notable : pour être puissant dans la négociation, faire bloc est essentiel. Comme en tout autre domaine, cette politique est la condition sine qua non de la survivance de nos nations dans la concurrence internationale dominée par les Etats-Unis et la Chine.
Il conviendrait seulement que l’intendance suive, que l’administration européenne soit plus agile et plus efficace. Sur le marché des vaccins, les Vingt-Sept ont marché d’un même pas, mais souvent avec lenteur dans la passation des contrats. D’où le retard de la campagne de vaccination si on la compare à celles des Etats-Unis, d’Israël et de la Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne, parlons-en… Sortis de l’Union européenne, nos voisins britanniques sont en train de faire mentir ceux qui critiquaient le Brexit. Non seulement, ils sont à l’origine du vaccin AstraZeneca, mais ils vaccinent à tour de bras, sans risque de pénurie de doses, et privilégient le pragmatisme au principe de précaution…
C’est une certitude, l’Union européenne ne peut avancer que si elle se débarrasse de ses carcans administratifs et de ses pesanteurs psychologiques. Il lui faut aussi une volonté de fer pour considérer que seule l’unité fait la force. Elle vient de le démontrer sur le front économique en adoptant, pour la première fois de son histoire, un plan de relance au financement en partie mutualisé. A elle de savoir transposer ce précédent sur d’autres priorités, là où sa souveraineté est en jeu.
La recherche, les hautes technologies, le renseignement, l’industrie pharmaceutique et numérique, la transition écologique doivent impérativement faire partie de son agenda pour les prochaines années.
L’équipe de l’ASFE