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Soutien aux parents et éducateurs d’enfants bilingues

L’ASFE s’est entretenue avec Catherine Bouko, maître de conférences en communication multilingue à l’Université de Gand (Belgique) et coordinatrice du projet « Erasmus+ PEaCH« . Un projet destiné au soutien aux parents et éducateurs d’enfants bilingues.

Vous êtes à l’initiative du projet « Erasmus + PEaCH », pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ? Est-ce un projet de l’Union européenne ?

PEaCH est l’acronyme de « ‘Preserving and Promoting Europe’s Cultural and linguistic heritage through empowerment of bilingual children and families”. En français, cela donne « préserver et promouvoir le patrimoine culturel et linguistique de l’Europe en aidant les enfants et familles bilingues ». C’est un projet d’une durée de deux ans, financé par l’Union européenne dans le cadre du programme Erasmus+. Trois partenaires européens y collaborent : l’université de Gand (Belgique) ainsi que deux partenaires privés. Les ressources produites dans le cadre du projet PEaCH (guide pour les parents, vidéos explicatives, ressources pour les professionnels de l’éducation, etc.) sont disponibles en français, anglais, italien, espagnol, allemand et roumain.

Ces ressources sont disponibles gratuitement sur notre site. Elles sont ajoutées au fur et à mesure, dès qu’elles sont prêtes. Notre guide est dès à présent téléchargeable gratuitement, en français et en anglais. Nous invitons également les parents et les professionnels de l’éducation à nous suivre sur les réseaux sociaux pour se tenir au courant de nos activités.

Que recouvre exactement la notion de bilinguisme ?

C’est une notion très importante, souvent mal comprise et qui peut intimider les parents. La notion de bilinguisme est plus large que ce que beaucoup de gens pensent. Dans le projet PEaCH, nous nous basons sur la définition de François Grosjean, professeur renommé de psycholinguistique, pour qui un bilingue est une personne qui utilise régulièrement deux ou plusieurs langues ou dialectes dans sa vie quotidienne.

Si on y réfléchit bien, cela inclut un grand nombre de personnes — plus de la moitié de la population mondiale, en fait ! Ce qui est important dans l’approche de Grosjean, c’est qu’elle ne mentionne pas un certain niveau de fluidité requis pour pouvoir être considéré comme bilingue, ou un nombre spécifique de langues. C’est une idée importante : si vous utilisez plus d’une langue, peu importe comment ou avec quel niveau de maîtrise, vous êtes bilingue. C’est l’approche que nous privilégions avec les parents, afin de faire baisser la pression qu’ils ressentent peut-être. Cette approche vaut aussi pour les enfants : quel que soit le niveau d’aisance que leur enfant atteindra dans chacune des langues qu’il connaîtra, les parents font un travail formidable et lui offrent un cadeau inestimable.

Votre objectif est de « soutenir les familles qui élèvent des enfants bilingues et multilingues ». Comment est né ce projet ? Vous avez réalisé que ces familles avez des besoins particuliers ?

Rita Rosenback, spécialiste de l’éducation bilingue et elle-même maman d’enfants bilingues, soutient les familles multilingues depuis de très nombreuses années. Elle reçoit beaucoup de questions à propos de l’éducation bilingue. L’objectif de PEaCH était d’offrir des réponses concrètes à ces questions et de proposer des activités « clé sur porte » que les parents peuvent réaliser avec leur enfant pour stimuler l’acquisition des langues. Ces réponses et activités sont rassemblées dans notre guide « Comment éduquer un enfant bilingue », disponible sur notre site Internet.

Nous sommes un mouvement qui s’occupe exclusivement des Français établis hors de France. Beaucoup de ces Français se trouvent dans cette situation : ils vivent à l’étranger et souvent leur conjoint l’est également. Ainsi, lors de la naissance de leur premier enfant, se pose la question de la ou des langues à utiliser à la maison. Existe-t-il un conseil général que vous pourriez donner, ou cela dépend des cas ?

Si nous devions donner un seul conseil, ce serait celui de définir une stratégie de la famille : qui parlera quelle(s) langue(s), à quelle fréquence et dans quel(s) contexte(s) ? Jusqu’où les parents souhaitent-ils développer le bilinguisme de leur enfant ? Ces questions sont très importantes pour que l’éducation bilingue soit cohérente et vécue comme une expérience positive pour tous. Notre guide comprend des pistes pour y répondre. Le message sur lequel nous insistons est qu’il ne faut pas nécessairement parler une langue comme un natif pour pouvoir la transmettre à son enfant : chaque pas vers le bilinguisme est un cadeau inestimable pour l’enfant. Un autre message essentiel est qu’il n’est jamais trop tard pour commencer.

Chez les enfants bilingues, il est rare qu’ils maîtrisent parfaitement deux langues rapidement, avec le même niveau au même moment. Il est alors commun qu’en apprenant deux langues en même temps, ils finissent par parler « plus tard » que leurs camarades. Est-ce quelque chose que vous avez constaté ?

Oui, tout à fait. Notre guide est basée sur les recherches récentes dans le domaine et c’est une constante qui fait consensus parmi les chercheurs. C’est souvent une grande source d’inquiétude pour les parents. De façon générale, si l’enfant a 24 mois et qu’il n’utilise pas encore 50 mots ou deux combinaisons de mots comptés dans toutes les langues avec lesquelles son entourage communique avec lui, il sera considéré comme un locuteur tardif.

Toutefois, il ne faut pas trop se concentrer sur les chiffres : ce ne sont que des indications approximatives. Les enfants progressent à des rythmes différents. Il est important de constater des progrès réguliers. Nous conseillons donc aux parents d’être à l’écoute du rythme de leur enfant et d’être patients. Notre guide comprend un chapitre consacré aux locuteurs tardifs et aide les parents à déterminer quand il peut être nécessaire de consulter un spécialiste.

Existe-t-il une limite dans le nombre de langues à enseigner à un enfant ? Beaucoup de parents binationaux rajouter une 3ème voire une 4ème langue dans l’enseignement dispensé (par exemple, exiger que la nounou parle anglais). Que pensez-vous de cela ? Est-ce qu’il faut faire attention à l’âge de l’enfant ?

Effectivement, de très nombreux enfants vivent dans des environnements multilingues qui comprennent plus de deux langues. Il n’y a pas de limites au nombre de langues. Il faut toutefois prendre en compte que plus un enfant est stimulé dans une langue, plus il parviendra à l’acquérir. C’est une question de quantité mais aussi et surtout de qualité de la communication. Par exemple, l’apprentissage sera plus efficace s’il stimule les compétences actives de l’enfant, et pas uniquement les compétences passives : lire un livre ensemble peut donner lieu à de multiples sujets de conversation avec l’enfant.  Concernant l’âge, le plus tôt est le mieux mais il n’est jamais trop tard.

Catherine Bouko – maître de conférences en communication multilingue à l’Université de Gand (Belgique) et coordinatrice du projet
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