Luis Arce, le candidat de la gauche et dauphin de l’ancien chef de l’Etat Evo Morales, a remporté dimanche 18 octobre la présidentielle en Bolivie dès le premier tour avec plus de 53% des voix. Notre équipe s’est entretenue avec Maurice Manco, représentant ASFE en Bolivie, sur ce sujet.
Pouvez-vous revenir rapidement sur la situation politique et sociale en Bolivie ces derniers mois, avant l’élection présidentielle du dimanche 18 octobre ?
Les élections d’octobre 2019 ont été invalidées en raison d’une suspicion de fraude qui par la suite a été confirmée par l’OEA. Cette suspicion a provoqué la chute du gouvernement d’Evo Morales. Depuis le pays est polarisé entre sympathisants et opposant au MAS et à Evo Morales. Le clivage est fort et a provoqué des affrontements violents au sein de la population. Le risque d’une guerre civile a un temps été réel.
Un gouvernement de transition a été mis en place. Janine Añez a assumé la présidence en s’engageant à organiser de nouvelles élections au plus vite en assurant qu’elle ne serait pas candidate. Elle est malheureusement revenue sur cette décision. Les conflits d’intérêts entre la présidence et la candidature ont été nombreux. De plus le gouvernement n’a pas été à la hauteur des crises que traversent le pays. A cela se sont ajoutées de nombreuses affaires de corruption. Les tensions ont été ravivées et la campagne a été extrêmement violente.
Les résultats officiels de l’élection présidentielle ont confirmé vendredi dernier la victoire du candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS), Luis Arce. Quelle est la situation actuelle en Bolivie après la confirmation des résultats des élections présidentielles ?
La victoire du MAS au premier tour a surpris tout le monde. Aucun sondage, aucune analyse n’avait prévu un tel scénario. La victoire est telle qu’elle est incontestable. La Bolivie a finalement fait preuve d’une certaine sagesse ou maturité politique. Un résultat serré aurait certainement provoqué des affrontements violents entre les partisans et opposants au MAS. Le danger était réel. Ces résultats sans appel se traduisent par un retour au calme. Frappée par une succession de crises, une bonne partie de la population est exsangue. Elle semble vouloir tourner la page, au moins des crises politiques, et se remettre au travail.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le profil de Luis Arce, nouveau président de la Bolivie ?
Ancien ministre des finances d’Evo Morales pendant la quasi-totalité des 3 mandats, il est crédité en partie de la stabilité financière ainsi que de la croissance soutenue qu’a connues la Bolivie pendant plus d’une décennie. La réalité est à nuancer mais il vrai qu’Arce a été un ministre des finances assez conservateur et plus pragmatique que dogmatique. Il a tenu les cordons de la bourse de façon assez serrée afin de ne pas avoir de déficit public important.
Luis Arce a remporté l’élection présidentielle bolivienne au premier tour avec plus de 53 % des voix devançant l’ancien président centriste Carlos Mesa (29 %) et le candidat ultra-conservateur Luis Fernando Camacho (14 %). Selon vous, qu’est-ce qui a permis à Luis Arce de se démarquer et de gagner les élections présidentielles ?
Le MAS dispose d’un véritable appareil politique avec des relais et fédérations dans tout le pays, ce qui n’est pas le cas des autres partis. La gestion de la présidente Añez a été désastreuse (Covid, économie, problèmes sociaux, justice, etc.) ce qui a certainement contribué au retour du MAS qui a pu être identifié à une période de stabilité.
La campagne de Carlos Mesa s’est adressée a un public déjà acquis. Mesa n’a pas fait campagne dans les provinces et zones rurales, ou très peu. Le binôme Mesa – Pedraza (ethniquement d’origine européenne et classe moyenne supérieure) ne représente pas la Bolivie. Camacho n’a été suivi que dans son département d’origine : Santa Cruz. La question ne peut être répondue en quelques lignes de façon satisfaisante mais ces éléments ont compté.
Qu’est-ce qui différencie Luis Arce de son prédécesseur Evo Morales, figure emblématique de la gauche sud-américaine, qui a dû quitter le pouvoir en novembre 2019 et s’exiler ?
Pragmatisme et dogmatisme.
Quelle est la réaction de l’opinion publique bolivienne face au retour du parti MAS au pouvoir (le parti de l’ancien président Evo Morales) ?
Elle est le reflet de la victoire. Les opposants au MAS sont certainement groggy et prennent la mesure de l’importance de secteurs de la population qui ont longtemps été oubliés.
Comment envisagez-vous la suite des événements en Bolivie ?
Avec une telle victoire, j’espère un apaisement qui permettra au prochain gouvernement de s’attaquer à tous les problèmes qui menacent la Bolivie. Un des gros défis est maintenant une réconciliation nationale.