Héritière d’une prestigieuse culture et terre d’accueil du tourisme moderne, la Turquie a longtemps été un pays montré en exemple pour son dynamisme, aux portes de l’Orient. Un peuple magnifique, une économie florissante, une pratique de l’islam modérée, une laïcité respectée, une armée puissante, intégrée à l’Otan… Ce temps-là semble compromis.
La candidature d’Ankara est de moins en moins désirée à Bruxelles, qui la juge propre à déstabiliser l’Union européenne. Cette situation alimente en retour un changement de comportement de la part du président Recep Tayyip Erdogan, qui marque de plus en plus son opposition à « l’Occident ».
Dans le concert des nations, la Turquie inquiète. L’ancienne basilique Sainte-Sophie, à Istanbul, que Mustapha Kémal avait transformée en musée à vocation universelle, vient d’être reconvertie en mosquée. Il s’agit sans doute davantage d’un symbole qu’autre chose, mais c’est aussi un message.
Les sources de conflit se multiplient. Aux anciens – comme la question Kurde – s’ajoutent les nouveaux : conflit syrien, situation en Libye, relations avec la Grèce et Chypre pour l’exploitation de gisements gaziers… sans oublier l’influence de la Turquie en République autoproclamée du Haut-Karabagh, où s’affrontent encore actuellement l’Azerbaïdjan et l’Arménie. La Turquie considère l’Azerbaïdjan comme un pays frère, dont elle partage la culture turcophone et les traditions, et l’Arménie comme un ennemi historique, n’ayant toujours pas reconnu comme tel le génocide arménien du début du 20ème siècle.
On se rappelle que l’inscription dans la loi française de cette reconnaissance, sous la présidence et à l’initiative de Jacques Chirac – avec pour article unique : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 » – avait fait grand bruit.
On ne peut que déplorer cette escalade sur la scène internationale, à l’heure où nous pourrions, au contraire, imaginer que la pandémie mondiale exige plus que jamais une entende cordiale. La Turquie d’Erdogan est-elle encore un allié sur qui l’Occident peut compter ? Membre important de l’Otan, la Turquie ne semble plus jouer le jeu de l’Alliance atlantique dont elle sait ne pas pouvoir être exclue, compte tenu de sa position stratégique.
La question si épineuse de l’immigration est également un autre point d’achoppement revenant régulièrement dans l’actualité, la Turquie occupant naturellement et géographiquement un rôle clé.
Face aux États-Unis, à la Russie, à l’Inde, à la Chine et à l’Europe, on ne sait sur quoi peut déboucher son attitude. Toute surenchère, en particulier imprégnée de nationalisme, est dangereuse pour l’équilibre du monde. Les adieux de François Mitterrand au Parlement européen en 1995 sonnent encore aujourd’hui comme un avertissement : « le nationalisme, c’est la guerre ! ».
Combien de temps encore les « petits » conflits peuvent-ils se multiplier sans déboucher sur des antagonismes enracinés et généralisés ? Les querelles se multiplient. Les plaies, que l’on croyait estompées, s’ouvrent à nouveau. Là encore, l’élection du président des États-Unis, dans trois semaines, sera déterminante pour la géopolitique des années qui viennent…
L’équipe de l’ASFE