Chères élues,
chers élus,
les eaux
agitées de la crise des Gilets jaunes, dans lesquelles nage la France depuis
trois mois, charrient un torrent de haines tout à fait inacceptable. Ce
mouvement, qui exprime certes une colère
compréhensible contre la pression fiscale, les inégalités territoriales et
la peur d’une mondialisation débridée, a fini par créer un climat délétère dans
notre pays, fait d’antiparlementarisme,
de rejet des élites et des institutions, de condamnation des médias.
A cela
s’ajoute, de façon de plus en plus virulente, l’hydre antisémite. Plusieurs faits et gestes, ces derniers jours,
lui ont donné une visibilité que nul ne peut nier : l’image barrée d’une
croix gammée de Simone Veil sur une boîte aux lettres, la vitrine d’un
restaurant taguée d’une inscription « Juden », le saccage de deux
arbres plantés en mémoire du jeune Ilan Halimi. Samedi 16 février, c’est le
philosophe Alain Finkielkraut qui a été violemment pris à partie dans la rue
par quelques individus vociférant, alors qu’il rentrait à son domicile
parisien. Dans la nuit de lundi à mardi, ce sont quatre-vingts tombes qui ont
été profanées dans un cimetière juif du Bas-Rhin.
Est-ce le signe que la France va
mal ? Sans aucun
doute. Les juifs ont toujours été pris
comme boucs émissaires dans les périodes où l’unité nationale se lézarde.
Je veux croire que nous ne sommes pas revenus aux heures sombres de l’affaire
Dreyfus ni à celles des années 1930, mais j’entends appeler tout le monde à la
plus grande vigilance pour ne pas laisser s’installer un quelconque relativisme
face à cette inquiétante réalité. Je rappelle que le nombre d’actes antisémites a augmenté de 74 % au cours de l’année
2018 : cette hausse a donc commencé bien avant le début de la crise
des Gilets jaunes. N’oublions pas les crimes odieux de Sarah Halimi, en 2017,
et de Mireille Knoll, en mars 2018, toutes deux paisibles retraitées
parisiennes.
Depuis
quelques années, l’antisémitisme s’est développé dans la population, dans les
quartiers comme sur les réseaux sociaux, où les discours salafistes de
prédicateurs autoproclamés font des ravages auprès de jeunes individus livrés à
eux-mêmes. Les rumeurs importées du
conflit israélo-palestinien, volontiers colportées et instrumentalisées,
contribuent aussi à exacerber la haine. Il convient néanmoins de ne pas
ignorer, à côté de cette judéophobie antisioniste, l’antisémitisme qui continue
d’assimiler, trop souvent, les juifs aux forces de l’argent et du pouvoir.
Certains manifestants parmi les Gilets jaunes ne rechignent pas à cultiver,
comme jadis, les théories du complot les plus insanes sur ce terrain.
La lutte contre l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, est un combat de tous les instants. Elle passe par l’éducation des esprits, premier rempart contre l’ignorance.
Jean-Pierre Bansard