Les « coups de sang » de Donald Trump

L’actuel bras de fer entre les Etats-Unis de Donald Trump et l’Iran des mollahs retient toute mon attention. Depuis que le président américain a dénoncé l’accord nucléaire de 2015, conclu entre Téhéran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu plus l’Allemagne, les risques d’une nouvelle guerre au Moyen Orient sont réels. Si elle était déclenchée, celle-ci aurait des conséquences effroyables sur l’ensemble du monde. Sur le front économique évidemment puisqu’une partie de l’approvisionnement européen en pétrole passe par le détroit d’Ormuz. Sur le front politique encore plus sérieusement, car la survie d’Israël serait en jeu et la rivalité, déjà meurtrière, entre chiites et sunnites conduirait l’Arabie saoudite à entrer dans le conflit.
Nous n’en sommes pas encore là. Mais il s’en est fallu de peu la semaine dernière, avant que Donald Trump n’annule un raid de l’US Air Force contre les batteries de défense anti-aériennes de l’Iran à la toute dernière minute. Les Iraniens venaient d’abattre un drone de surveillance de l’US Navy dans la région.
Certes, le régime des mollahs est pour beaucoup dans les désordres du monde depuis la révolution de 1979. La montée de l’islamisme, le terrorisme qui l’accompagne et la haine de l’Occident trouvent largement leurs origines dans cet événement majeur du XXème siècle. Mais comment lutter contre, sans provoquer de graves troubles dans l’équilibre international, déjà très relatif et précaire ? De mon point de vue, je ne pense pas que Donald Trump veuille la guerre. En montrant ses muscles, peut-être pense-t-il réitérer ce qu’il tente avec Kim Jong Un avec lequel il a renoué le dialogue dans un objectif de paix et de dénucléarisation du pays. Pari risqué car l’Iran, héritier de la grande civilisation perse, n’obéit pas aux mêmes ressorts que la Corée du nord : en faisant monter la tension par petites phrases interposées, Washington s’expose à des réactions violentes de Téhéran. Mais le président américain n’est pas seul. Ses deux plus proches collaborateurs, le conseiller à la Sécurité nationale John Bolton et le secrétaire d’État Mike Pompeo, sont, eux, des bellicistes.
Le précédent de George W. Bush en Irak, en 2003, doit servir de leçon, tout comme d’ailleurs l’intervention américaine en Afghanistan, peu avant. Nul ne peut prétendre apporter la démocratie dans cette région. Même si les dirigeants y sont souvent honnis, leurs peuples entendent maîtriser leur destin, sans aucune ingérence extérieure, surtout pas occidentale. Dans ces conditions, engager le fer avec Téhéran, c’est la garantie de réveiller une fierté nationaliste qui ne peut que déboucher sur le chaos. D’autant que Pékin et Moscou ne se priveraient pas d’ajouter de l’huile sur le feu pour affaiblir ceux qu’ils présenteraient comme des « envahisseurs ».
L’autre solution consiste à souhaiter le renversement du régime de l’intérieur. En multipliant les embargos et les mesures de rétorsion ? Sans doute pas car, on le voit actuellement en Iran, les résultats sont minces. Là encore, la population le vit très mal et rejette la faute des privations non sur le régime, mais sur les redresseurs de torts étrangers. Seul le dialogue semble pouvoir faire évoluer la situation. Certes, il exige patience, mais il est la voie de la raison. C’est pourquoi il faut tout entreprendre pour empêcher les « coups de sang » de Donald Trump – les mollahs n’attendent que cela – et inciter les autres nations occidentales, avec des pays comme le Japon, à s’engager dans l’histoire afin de retisser les fils de la discussion.
Jean-Pierre Bansard
 

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